Le contentieux des étrangers est un contentieux de masse devant les juridictions administratives.
Les demandeurs de titre de séjours sollicitent ainsi la Préfecture de l’Essonne qui génère un nombre très important de dossiers d’étrangers en quête de régularisation au titre de la vie privée et familiale, de l’admission exceptionnelle au séjour mais également au titre de l’asile.
La Préfecture, l’OFII, l’OFPRA, le Tribunal Administratif et la Cour Nationale du Droit d’Asile traitent de très nombreuses demandes et les avocats interviennent à différents stades, tant au contentieux qu’en conseil.
Il s’agit qui plus est d’une matière en perpétuelle évolution.
La loi n°2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie a été publiée au journal officiel du 11 septembre et modifie encore une fois cette matière.
Voici un large éventail des nouveautés instaurées par le texte.
Sur le contentieux de l’asile.
Il s’agit ici d’une importante modification de la question de l’asile en France, tant dans le cade de l’instruction de la demande que dans le cadre des recours devant la Cour Nationale du Droit d’Asile.
Ainsi les étrangers souhaitant demander l’asile mais qui mettent plus de 90 jours (60 jours en Guyane) à se décider pour déposer une demande d’asile, verront leur situation examinée en procédure accélérée. La procédure accélérée se déroule avec un juge unique et n’ouvre pas un droit à l’hébergement et à une allocation.
Les délais de recours devant la Cour Nationale du Droit d’asile restent d’un mois. Cependant l’intervention d’une demande d’aide juridictionnelle ne fera que suspendre ce délai. Ce qui signifie que lorsque l’avocat est désigné le délai de recours de repartira pas « à zero ». Il ne restera que le temps laissé après le dépôt de l’aide juridictionnelle.
Dans de nombreux cas, l’audience se fera par visio-conférence.
Surtout, la demande d’asile ne sera plus protectrice pour les requérant qui pourront selon les cas, être visés par une obligation de quitter le territoire et être expulsés dès lors que l’OFPRA aura pris une décision de rejet et ce même si le requérant a déposé une demande d’asile auprès de la Cour Nationale du Droit d’Asile. Cette disposition ne concerne que les personnes originaires de pays dit « surs », celles qui demandent le réexamen ou considérés comme une menace à l’ordre public.
Pour pouvoir rester en France et ne pas être visés par une obligation de quitter le territoire, elles devront saisir rapidement le juge administratif pour avoir le droit de rester pendant l’examen du recours à la Cour Nationale du Droit d’Asile. Dans ce cas, elles pourraient être assignées à résidence ou placées en rétention pendant l’examen de ce recours.
Sur les demandes de titres de séjour en parallèle d’une demande d’asile
Il existe une possibilité de demander, en parallèle de l’instruction d’une demande d’asile par la France, un titre de séjour pour un autre motif.
Ce droit existe déjà, même si en pratique, nombre de guichets refusent d’enregistrer ces
doubles demandes.
La loi précise ce qui n’était pas évoqué par les textes auparavant. Cependant, il est nécessaire pour le requérant de justifier de circonstances nouvelles. Ce droit par ailleurs exclut certaines personnes (les personnes « dublinées » par exemple).
Surtout, en cas de refus, la Préfecture peut notifier une obligation de quitter le territoire sur le seul fondement du refus de la demande d’asile (6° alinéa de l’article L.511-1, I), sans devoir viser le refus de séjour concomitamment opposé, ce qui réduit la marge de manœuvre de l’avocat en cas de recours en annulation de la décision obligeant le demandeur à quitter le territoire.
Le délai de contestation est également réduit à quinze jours pour les personnes déboutées du
droit d’asile ayant en parallèle tenté de faire valoir leur droit au séjour.
Sur les parents d’enfants français
Les conditions de reconnaissance de la filiation sont durcies pour les couples non mariés, afin de lutter contre les reconnaissances frauduleuses d’enfants français.
L’objectif de la loi est de lutter contre les reconnaissances frauduleuses d’enfants français en durcissant les conditions de reconnaissance de la filiation pour les couples non mariés.
De plus, pour permettre au parent étranger de déposer une demande de titre de séjour, les nouvelles dispositions exigent du parent de nationalité française, la preuve de sa contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant.
Chose très importante évoquée par la loi et qui ne peut être passée sous silence, la remise en cause du droit du sol à Mayotte. Le texte exige en effet que l’un des parents réside en France de manière régulière et ininterrompue depuis plus de trois mois au moment de la naissance pour que l’enfant acquière la nationalité française. Les enfants étrangers nés avant l’entrée en vigueur de la loi n’accéderont à la nationalité française que si un de leur parent est en situation régulière depuis au moins cinq ans.
Sur la protection des victimes de violences conjugales
Depuis la loi du 7 mars 2016, les conjoints de Français des victimes de violences familiales peuvent conserver leur titre de séjour malgré la rupture de la vie commune.
Ce droit est ainsi étendu grâce à la loi, à toutes les personnes entrées via le regroupement familial mariées civilement.
Dans ces conditions la carte de séjour est renouvelée de plein droit après l’expiration de l’ordonnance de protection.
De même, En cas de condamnation définitive de l’auteur des violences, la personne bénéficiaire d’une carte de séjour liée à l’ordonnance de protection, qu’elle en bénéficie pour des faits de violences au sein du couple ou d’un mariage forcé, doit se voir délivrer une carte de résident de plein droit.
Sur les titres de séjour pour soins et la faculté des Préfectures de remettre en cause sur le fond l’avis des médecin de l’OFFI
Avant la loi, pour des raisons d’ordre public uniquement, le préfet pouvait choisir de ne pas délivrer un titre de séjour lorsque les médecins ont considéré que l’état de santé de la personne nécessitait la poursuite de soins en France.
La loi permet aux préfets de refuser le séjour malgré un avis médical favorable pour le demandeur, à condition de rendre une décision « spécialement motivée ».
La Préfecture pourrait ainsi contester le bien-fondé de l’avis des médecins, en cherchant notamment à démontrer la possibilité d’accéder à des soins dans le pays d’origine.
Sur la durée de la rétention
En 2011, la durée de la rétention est passée de 32 à 45 jours de rétention.
Elle sera portée à 90 jours par la loi.
Bien entendu la rétention ne doit être décidée qu’à la condition que celle soit justifiée et proportionnée. Le Conseil Constitutionnel a ainsi précisé que ce placement en rétention administrative en attendant l’exécution de l’OQTF « ne peut être justifié que par l’absence de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite et qu’un étranger ne peut être maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, l’administration devant exercer toute diligence à cet effet » et que « l’autorité judiciaire conserve la possibilité d’interrompre à tout moment la prolongation du maintien en rétention, de sa propre initiative ou à la demande de l’étranger, lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient ».
Par ailleurs, en dépit d’un amendement voté par le Sénat, la loi n’interdit pas le placement d’enfants en centre de rétention.
Sur l’intervention du Juge des libertés et de la détention
Depuis quelques années, ce délai a été successivement de cinq jours, 48 heures et 24 heures. La loi porte aujourd’hui à 48 heures le délai d’intervention du juge des libertés et de la détention (JLD) .
Le Juge des libertés et de la détention saisie plus tard emporte de lourdes conséquences car plus le délai est long, plus l’autorité administrative a la possibilité d’organiser une expulsion avant l’intervention du JLD.
L’intervention du Juge administratif est fixée le cas échéant à 4 jours.
Sur la retenue
La loi du 31 décembre 2012 a créé une mesure réservée aux personnes étrangères pour
lesquelles la police soupçonne un séjour irrégulier : la retenue pour vérification du droit
au séjour.
L’utilisation de la garde à vue avait été rendue illégale suite à une décision de
la Cour de justice de l’Union européennes (CJUE) dépénalisant le séjour irrégulier.
La loi entend allonger la durée de la retenue dans un commissariat
de 16 à 24 heures.
La justice par Visio-conférence
À la Cour nationale du droit d’asile, devant le tribunal administratif ou le juge des libertés
et de la détention, en zone d’attente ou en rétention, la visio-conférence pourra être
utilisée sans même que soit requis systématiquement le consentement de la personne.
De même, la notification des décisions et des actes de procédure pourra dorénavant se faire par tous moyens de transmission, dès lors qu’ils garantissent « la confidentialité et la réception personnelle par le demandeur ». Cette mesure ouvre la voie, par exemple, à des transmissions par mail ou SMS, pour lutter contre l’incertitude des adresses postales.
– Yssam SAIDI